Comment prétendre ajouter une remarque pertinente aux flots de commentaires déjà proposés pour un livre qui a reçu les prix littéraires les plus prestigieux comme le ‘Pulitzer 2017’ ou le ‘National Book Award 2016‘ ?
Il est certain que vous connaissez déjà la trame du roman, je ne vais donc pas m’étendre sur le sujet. Par contre, vous serez peut-être intéressé d’apprendre qu’à mon tour, à un moment donné, je me suis demandé, contre toute attente raisonnable, quel était l’arrière-plan historique qui sous-tend tout l’histoire : a-t-il existé au milieu de XIXe siècle un chemin de fer clandestin qui aurait pu « par endroits » permettre aux esclaves noirs de fuir les états du Sud (tous les États du Sud-Est) pour rejoindre le Nord ou mieux encore le Canada ?
Non, bien sûr.
Ce chemin de fer souterrain (« Underground railroad ») est le nom, métaphoriquement donné à l’époque à une organisation mise en place pour permettre aux esclaves noirs, tant que faire se pouvait, de tenter d’échapper à une condition horrible si méticuleusement (cliniquement même) décrite par Colson Whitehead. La métaphore permettait de parler de gares, de stations, de chefs de gare, de machinistes, de voies, de chefs de trains, etc.
Et dans ce roman, c’est comme si une métaphore [une figure de style qui comme on le sait, surtout depuis G. Lakoff (« Metaphors we live by) nous permet de « mieux comprendre le monde »] projetée sur la vie quotidienne des esclaves au XIXe nous introduit à ces réalités indescriptibles qui constituaient le quotidien de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants noirs aux États-Unis à l’époque.
C’est le dernier chapitre qui m’a permis de suggérer cette piste de réflexion qui, de mon point de vue, éclaire le roman comme des projecteurs éclairent une scène : cette épopée dont l’héroïne centrale s’appelle CORA est un écrit de « réalisme magique ». Et il ne pourrait en être autrement quand, comme Colson Whitehead le fait, on essaie d’évoquer à travers une vie ce que fut toute l’histoire d’un peuple noir, venu de tous les pays d’Afrique et îles avoisinantes, vendus par des négriers pour aboutir dans les champs de coton des États du Sud.
Réalisme le plus pur et effroyable quand page après page, avec une froideur qui se veut objective, l’auteur décrit l’horreur quotidienne de toute une race traitée moins que les bêtes de somme le furent. Jamais un roman ne m’a laissé une impression plus horrible que la description des multiples sévices que les Blancs font subir sans le moindre scrupule. Et pourtant, au cours des chapitres qui se succèdent les uns aux autres, la souffrance laisse, insensiblement presque, sourdre l’espoir.
Et le lecteur se met aussi à espérer. Parce que l’histoire est aussi magique : et les métaphores remplissent leur rôle et produisent leur effet : le chemin de fer souterrain relance le récit quand le doute s’installe et qu’on craint que Cora soit reprise pour subir le sort affreux dont son amie a été la victime expiatoire aux yeux du maître du domaine, le cruel Randall junior, qui "quand le sang noir devenait de l'argent, savait trouver la veine" (p.38).
Et au pire moment, voilà qu'un chef de gare inattendu apparaît et des voies et une draisine pour, une fois encore, poursuivre la route. Et il ne fait plus de doutes à mes yeux que matérialiser le chemin de fer souterrain fut une trouvaille de génie.
Bien sûr que le dernier tunnel ne conduisait nulle part. Il n’existe pas, mais par magie, il conduira Cora vers l’Ouest et l’espoir de la Californie.
Brillant. Merci monsieur Whitehead. Ce fut par moments une épreuve de vous accompagner, mais on est fiers de l’avoir fait.
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- Avis laissé en France le 27 septembre 2020
- Avis laissé en France le 4 novembre 2023
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Christopher BrowneAvis laissé au Royaume-Uni le 13 septembre 2023
This book is new, but useless for me...it's in French.
